lalimaya

Je vis chaque journée avec empressement. Je cours après le temps, pour oublier, pour me défaire de chaque souvenir. Depuis trois ans, mes habitudes de vie n'ont guère changées. Je transite entre mon boulot, mon chez-moi et quelques sorties avec des amis. 

Ma vie est une routine bien huilée, pas de surprises, pas d'histoires d'amour, pas de compromis, pas de décisions,  pas de souffrances. Si je ne provoque rien, rien ne se passe et ma vie reste constante. De cette façon, je ne suis pas malheureuse.

Ben vient me chercher, nous sommes conviés à un apéro dinatoire par une de ses amies. Pour l'occasion, j'ai fais un effort vestimentaire et mon choix s'est porté sur une robe noire en dentelle assez fluide et vaporeuse. Je me sens jolie depuis quelques temps, je me réveille après un long sommeil et mon envie de plaire, me titille en ce moment. Je me suis réservé pour Pierre, mais, après tout, je ne veux pas finir vieille fille et j'ai le droit de tombé malade d'amour, surtout que lui mène sa vie de famille.

Il est 20 heures et la soirée bat son plein : les rires, les discussions foisonnent dans un joyeux brouhaha.

Je passe d'un groupe à un autre, me mêlant aux conversations quand soudain, j'entends une voix, une toute petite voix sous la table où sont posés les petits fours. Je me baisse et une main me tire sous la table et je me retrouve face à une petite brunette.

- Elle est belle ta robe, tu es belle.

Je la fixe, sans rien dire. Je me demande ce qu'elle fait là, toute seule, sous la table, en pleine soirée et à quasiment minuit.

- Mon papa est copain avec Ben. C'est lui qui a dit à mon papa de venir.

Avant que je puisse lui poser la question, le visage d'un homme apparait et  le temps se suspends. Nous restons Pierre et moi,  les yeux dans les yeux, sans bouger.

- Héléa, tu peux aller avec tonton Ben. Je dois parler avec cette dame. Tu prépares tes affaires et nous rentrons.

- Oui, papa. Pourquoi la dame, tu dis pas Héloîse. Elle s'appelle comme ça, c'est elle sur la photo dans ta chambre.

Je ne sais pas quoi dire, je suis assisse sur mes genoux et je n'ose bouger. Pierre me scrute intensément et je perçois différentes émotions à travers les prunelles de ses yeux.

C'est un coup de Ben, j'en suis certaine. Pourquoi maintenant?.

On se fixe longuement, on a faim de nos regards, on a soif de nos soupirs, on se rattrape de ces quatre ans d'absence forcée. Il a des cheveux blancs éparses, et je le trouve encore plus séduisant, tellement plus masculin, tellement lui. Ma main frôle sa joue, je suis en plein rêve, je rêve.

Je me réveille brusquement de ma torpeur et je bouscule la table en essayant de me relever. Les plats tombent au sol et tous les convives ont leurs yeux braqués sur moi, je viens d'anéantir toute une table de mets. Le plus terrible, Pierre sort à son tour et je devine les pensées de toutes ces personnes, en temps réel. Je cours me réfugier dans la voiture de Ben et je lui envoie un message, je veux rentrer tout de suite.

Quelques secondes plus tard, il entre dans la voiture pour me conduire dans mon cocon protecteur. Il essaie de me parler, je le stoppe net, je déteste mon frère à ce moment précis et j'ai peur que des mots blessants ne dépassent mes pensées. il  comprends, me dépose et part, sans un mot.

Ma colère est à la hauteur de mon silence !